Marine Thomas, Laisser toute sa place à l’audace, Journal Les Affaires
« Malgré un écosystème start-up québécois aussi varié que dynamique et une belle enveloppe de 121,7 millions de dollars annoncée par le gouvernement fin mai pour soutenir l’entrepreneuriat, l’incertitude économique mondiale ne jouera pas en faveur des innovateurs. »
Y’en aura pas de facile
Ce billet est criant de vérité, les 24 prochains mois seront très difficiles pour les innovateurs. Même constat chez Dominic Gagnon dans son billet Ne devenez pas entrepreneur. Saluons d’ailleurs les contributions de Dominic qui ose aborder les multiples revers de la médaille de l’entrepreneuriat, particulièrement là où elle est la plus dynamique, dans l’univers déjà un peu fou des startups.
En situation de plein emploi et vouloir partir en affaires , ça prend déjà des personnes atypiques, des fous à lier.
Dominic réfère à une étude sur la santé mentale des fondateurs d’entreprises. 2X plus de dépression, 6X plus TDAH, 4X abus de substances, 10X bipolarité. En détail par ici.
Vouloir créer une croissance économique par l’innovation, cela passe inévitablement par l’entrepreneuriat. La santé mentale des fondateurs d’entreprises est un facteur critique du succès d’une entreprise. Au Québec, c’est malheureusement un facteur dont on parle le moins.
Financer la recherche, c’est créer notre richesse de demain
Le dernier budget du Québec et la toute fraîche Stratégie québécoise pour la recherche et l’investissement en innovation, la SQRI², marquent un engagement clair à cet égard.
7.5G$
sept milliards cinq cents millions
sept mille cinq cents millions
Peu importe comment on l’exprime, le Québec, dont sa qualité de recherche était déjà de classe mondiale, se donne les moyens d’en faire plus et surtout de la valoriser.
Financer aujourd’hui la recherche qui, par la rigueur de la démarche scientifique, trouve des solutions, des molécules, des technologies qui amélioreront le monde de demain. Cela ne peut qu’être rentable pour une société.
Si l’on accorde autant de liberté et de temps aux chercheurs pour chercher, c’est précisément parce que l’on ne sait pas exactement où trouver ce que l’on cherche. Ça arrive qu’on ne trouve rien d’extraordinaire. Des fois c’est juste qu’on a pas creusé assez profond, manque de fonds, manque de motivation. D’autres fois ce n’est juste pas une bonne idée. Ça arrive plus souvent qu’on pense de trouver autre chose qu’on cherchait. Une maudite chance qu’on l’savait pas avant de commencer à chercher, sinon on n’aurait pas trouvé ce qu’on ne cherchait pas! Ça arrive très souvent aussi qu’on trouve des pépites, mais, malheureusement, être PhD salarié ou fou à lier…
Dans tous les cas, le Québec cherche, le Québec trouve, rien à envier aux plus notables sociétés, bien au contraire. Si l’on s’apprête à investir des milliards en recherche, c’est que nos scientifiques ont démontré aux actuaires que malgré quelques absurdités, le pari n’est pas vraiment risqué. Mettons une piastre aujourd’hui, ce n’est pas tout à fait clair combien ça va rapporter, beaucoup plus que moins, c’est certain.
On applaudit également à deux mains la SQRI² pour son audace d’avoir enfin mis l’innovation sociale à la page. Une petite révolution pour le monde de demain.
En innovation, pas de science de la réussite
S’il y avait une voie toute tracée pour la réussite, le club des millionnaires serait milliardaire! On en a justement discuté au balado avec Chloé Legris et Luc Sirois, innovateur en chef du Québec. Il n’y a d’ailleurs pas 56 types d’innovation. Une simple définition de l’innovation serait d’apporter une bonne idée »sur le marché ». C’est ce marché, ou plutôt la mesure de l’impact que le projet a réellement divisé par les hypothèses qu’on avait émises, qui détermine un bon projet d’une bonne idée. Ce n’est peut-être pas 100% scientifique, mais c’est le gros bon sens. On se doit de développer ce réflexe, cette humilité même, de laisser le marché décider de ce qui est innovant. Autrement c’est galvauder ce mot si important pour le progrès, le vrai.
Évitons de dire une jeune pousse innovante, parlons d’une jeune pousse à fort potentiel d’innovation. Quand la chenille se fera chrysalide, le papillon sortira possiblement fort différemment qu’anticipé. C’est l’effet de la vallée de la mort, ce fameux moment des 4-5 premières années où tout peut changer, où tout doit changer, où tout va changer.
Si les chercheurs ont droit à un 4-5 ans de liberté pour trouver, ce n’est pas vraiment comme ça que ça se passe pour les fous à lier! Si on fait le pari qu’investir massivement en recherche est rentable, l’investissement en innovation devrait être avec les mêmes prémisses, car…
Ça arrive qu’on ne réussisse rien d’extraordinaire. Des fois c’est juste qu’on a pas creusé assez profond, manque de fonds, manque de motivation. D’autres fois ce n’est juste pas une bonne idée. Ça arrive plus souvent qu’on pense de réussir quelque chose alors qu’on essayait autre chose. Une maudite chance qu’on l’savait pas avant de se lancer, sinon on n’aurait pas réussi ce qu’on n’essayait même pas! Ça n’arrive pas si souvent par contre qu’on trouve des pépites, alors c’est malheureusement souvent, tout le temps, des licornes qu’on entend parler…
Pauvre fou à lier!
C’est par eux qu’on changera le monde, mais le monde ne veut pas toujours changer.
Les chiffres sont têtus et la loi des grands nombres encore plus: 7 projets d’entreprise sur 10 sont condamnés. Faut-il encore le rappeler?
Il y a un angle mort, le mot est très juste, dans le petit monde de l’entrepreneuriat au Québec. Cette réalité cruelle de la grosse mise en échec, la faillite, pour pleinement la nommer. Qui aura le goût de se lancer s’il faut y laisser sa maison, sa pension, sa réputation?
1. lâcher sa job 2. Ouvrir un compte de banque 3. Mise de fonds, transférer ses économies 4. Pas assez, love money, passer le chapeau à la famille et aux amis 5. Convaincre la BDC pour 100 000$, conjointement et solidairement, lier tes propriétés… Bravo, te voici maintenant fou à lier!
Quand 7 fois sur 10 ça plante, tu y penses un peu, beaucoup, avant d’aller au party, si seulement tu y es invité!
Combien de zombies errant au cimetière de la honte?
C’est bien beau de dire et c’est probablement vrai, que c’est à la deuxième ou troisième tentative que les chances de réussites sont les meilleures. C’est un réconfort qui fait un peu gérant d’estrade. Comme si l’important c’était de participer…
Y a-t-il une banque, un fonds de capital de risque, un programme normé LOOSER ONLY?
Faudrait peut-être y penser! C’est eux qui ont appris de leurs échecs, c’est eux qui sont mûrs pour réussir!
Des fous à lier, on en a déjà trop peu pour les laisser… tombés.
D’abord le drapeau rouge
» Le contexte actuel d’incertitude semble avoir créé une rupture dans les taux d’intentions et de démarches, après être restés plusieurs années à des niveaux hauts et stables. Entre 2019 et 2021, le taux d’intentions a perdu plus de 5 points de pourcentage (pp), passant de 20,4 % à 15,1 %, tandis que le taux de démarches est passé de 9,7 % à 7,2 %. Le taux de propriétaires est passé de 6,2 % à 5,6 % »
– rapport détaillé de l’Indice entrepreneurial 2022; p17
Si dans le passé, 7 projets sur 10 ont planté, des éclopés, il y en a qui sont prêts à être replantés, bouturés ou simplement écoutés, il y a de la ressource, de l’espoir!
Mettre au carré
En mathématique, on appelle ça un exposant. Sans en faire un long exposé, retenez que lorsqu’on travaille avec des nombres qui sont mis au carré, au cube et ainsi de suite, un petit changement ici peut avoir un gros effet là-bas. C’est ça travailler avec des facteurs exponentiels.
On s’apprête à investir massivement en recherche alors que le désir d’entreprendre pique du nez. Si on accepte de laisser les chercheurs chercher, laissons les innovateurs… innover!
Celles et ceux qui ont eu la brillance d’avoir mis le »i » dans SQRI au carré, bravo! Stratégie québécoise pour la recherche et l’INVESTISSEMENT en innovation. SQRI²
L’innovation est un processus, pas une fin en soi. En plaçant l’innovation en exposant, nous abordons l’autre partie du problème: après la solution, le passage à l’action.
Il nous faut des asiles pour fous à lier, des espaces où les rêveurs ont droit de cité, où les potentiels trouvent leurs clés et où les trébuchés savent se relever pour réussir, réussir², réussir³ …
Le Québec s’est rapidement doté d’un écosystème d’innovation, de l’idée à l’impact, il est prêt à passer de l’adolescence à l’âge adulte.
Souviens-toi de la mort
La fin couronne le travail
À l’époque de la renaissance où seulement quelques érudits savaient lire, on lisait des images et peut-être ces petites phrases qui faisaient réfléchir.
Dans cette allégorie de Matthaeus Merian (1593-1650), la fragile flamme de la vie, une chandelle à moitié consumée, les fraîches fleurs coupées vont se faner. Crâne couronné de lauriers, le fléau à l’équilibre penchera d’un côté, ange ou démon, quand le dernier grain du sablier sera tombé.
La peur de l’obscurité
Le fou à lier est visionnaire, voyant ce que les autres ne voient pas. Le fou à lier a créé et fabriqué sa propre chandelle. Viens voir la lumière! Mais traverser l’obscurité, c’est perdre ses repères, perdre le contrôle, c’est un peu imprévisible, pas mal stressant finalement.
Innover, c’est forcer le passage à travers l’obscurité. C’est apporter de la clarté dans un processus, un ministère, une belle grosse business, une école, une ville ou un village…
L’innovation, ça fait peur
Quelqu’un m’a dit que c’est un peu comme voyager. La première fois, c’est nouveau, c’est stressant. Quand ça fait 10 fois, ya rien là!
Pourquoi le modèle Startup mérite une mise à échelle
Être startup, ce n’est plus qu’être une entreprise techno web machin. C’est devenu un modèle de développement où l’on prend une bonne idée et on l’amène rapidement à son utilisateur final ou au marché pour tester les hypothèses, itérer les réponses et finalement accélérer l’innovation. Confucius disait »celui qui déplace la montagne, c’est celui qui commence à enlever les petites pierres ». Innover en mode startup, c’est découper les gros problèmes en plus petites solutions, c’est avaler un éléphant, une bouchée à la fois.
En ce sens, plusieurs champs de recherches fondamentales, appliquées, sociales et cie devraient y voir, dans le modèle startup, une façon efficace d’avoir rapidement une rétroaction nécessaire pour engager les phases suivantes, les mises à l’échelle d’une société en innovation sociale ou les commercialisations de masse des produits et services à fort potentiel d’innovation.
Bâtir le Québec de demain
Les écosystèmes startups ont poussé partout à travers le monde et le Québec en a un d’une belle maturité, dynamique et diversifié. Incubateurs d’idées et accélérateurs d’entreprises, anges, investisseurs et fonds d’investissements en capital de risque… La Caisse de dépôt et placement du Québec, avec EspaceCDPQ, est la locomotive d’un train qui roule à plein régime.
En une petite décennie, d’un phénomène de la métropole avec des Centech, Founderfuel, la Maison Notman , Startup Montréal et quelques autres, les régions se sont rapidement mis dans le coup avec Le CAMP à Québec, Espace-INC et l’ACET à Sherbrooke. Un simple tour sur le site accelerateurs.quebec permet de constater que partout au Québec, un fou à lier peut trouver un lieu accueillant et bienveillant pour débuter son chemin.
Il y a 5 ans, le Mouvement des accélérateurs d’innovation du Québec (MAIN) est né de ce besoin d’efficience et de collaboration dans cet écosystème qui grandit à la vitesse startup, rapidement et avec audace! Être prêts à changer le monde, une belle mission!
On n’a rien à envier au reste du monde
Au Québec, si on veut le progrès, dans le sens le plus noble, de notre société, il est capital de stimuler l’envie de prendre des risques, valoriser l’audace d’entreprendre et soutenir la volonté de réussir. Pour ce faire, on doit accélérer l’émergence d’un écosystème d’accélérateurs d’innovations de classe mondiale et multiplier les facteurs exponentiels qui génèreront toujours plus de personnes qui réussissent et qui essaiment.
Découvrez le monde fascinant des startups dans l’épisode 2 de Lac-à-L’Épaule!
[…] Aujourd’hui, ce ne sont pas les grand défis qui manquent, qu’ils soient sociaux, climatiques, politiques, économiques… Nous avons toutefois les moyens de changer les choses et cela passe inévitablement par l’innovation. Et pour cela, il nous faut un écosystème d’accompagnement de classe mondiale pour soutenir celles et ceux qui sont assez fous pour changer le monde… […]